Quelques échos du « Club actualité sociale » organisé par Francis Lefebvre Formation

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Comment éviter qu’un courriel soit qualifié d’avertissement ? L’employeur peut-il contester un certificat médical ? Doit-il consulter le CE avant de mettre en place la nouvelle base de données ? Informer le salarié des nouvelles modalités d’indemnisation du chômage en cas de rupture conventionnelle ? Des avocats répondent à ces questions d’actualité.

Francis Lefebvre Formation  a organisé le 20 mai 2014 un « Club Actualité sociale », animé par des avocats de CMS Bureau Francis Lefebvre qui ont fait le point sur l’actualité législative, réglementaire et jurisprudentielle en matière de droit social.
Les Editions Francis Lefebvre donnent ici un compte-rendu des interventions susceptibles d’aider les employeurs pour faire face à leurs nouvelles obligations. 
 
 
Pouvoir disciplinaire
 
Comment distinguer un rappel à l’ordre ou une mise en garde d’un avertissement ? 
 
Un arrêt récent de la Cour de Cassation a qualifié d’avertissement un courriel adressé à un salarié assorti d’un certain nombre de reproches (Cass. soc. 9 avril 2014 n° 13-10.939). Si la solution n’est pas nouvelle (déjà dans ce sens : Cass. soc. 26 mai 2010 n° 08-42.893 : RJS 11/10 n° 846), Marie Content estime qu’elle pose un certain nombre de difficultés en pratique, notamment parce qu’il est difficile de bien distinguer un courriel de mise en garde ou de rappel à l’ordre d’un courriel-sanction.
Par exemple, a été qualifié de simple rappel à l’ordre un courrier de l’employeur invitant un salarié à se ressaisir en lui faisant des propositions à cette fin (Cass. soc. 13 décembre 2011 n° 10-20.135). De même, n’est pas avertissement le courrier de l’employeur mettant en garde une salariée contre ses dénonciations calomnieuses à l’encontre de ses collègues et l’alertant sur les conséquences de ses propos  (Cass. Soc. 5 juillet 2011 n° 10-19.561).
 
La frontière entre sanction et simple mise en garde semble donc ténue. Constituerait un avertissement tout écrit comportant des reproches et invitant le salarié à modifier son comportement ; en revanche, ne constituerait qu’une mise en garde le fait de sensibiliser un salarié sur son comportement critiquable et de l’alerter sur le fait que l’on pourrait éventuellement le qualifier de fautif.
 
 
Attention aux courriels « à chaud »
 
La qualification du courriel est loin d’être neutre pour l’employeur : s’il est qualifié d’avertissement, il constitue une sanction disciplinaire et les faits reprochés ne pourront plus être sanctionnés une seconde fois. Il appartient donc aux employeurs et/ou aux managers d’être vigilants et de ne pas réagir trop « à chaud » en envoyant immédiatement un courriel de reproches à un salarié ayant eu un comportement fautif. Aucune autre sanction (licenciement notamment) ne pourra plus être prononcée contre le salarié pour les mêmes faits.
Et Marie Content d’ajouter que l’employeur ne pourra pas non plus sanctionner tous les autres faits dont il avait connaissance au moment de l’envoi du mail. En effet, la jurisprudence est très claire sur ce point : dès lors que l’employeur choisit de ne sanctionner qu’un seul des manquements dont il a connaissance, il est réputé avoir renoncé à sanctionner tous les autres manquements (Cass. soc. 25 septembre 2013 n° 12-12.976 : RJS 12/13 n° 816).
 
Comment rédiger un courrier ou un courriel de mise en garde ? 
 
Un participant demande si l’employeur peut éviter le risque de requalification en mettant à la fin d’un courrier ou d’un courriel : « A défaut, nous serions contraints de prendre une sanction à votre égard ». 
Marie Content rappelle que le juge n’est pas tenu par la qualification donnée aux faits par l’employeur mais reconnait que cela peut être un élément en faveur de la mise en garde.
Elle conseille cependant de plutôt utiliser des formules interrogatives du type « il s’est passé tel évènement, peut-on en parler ? ». Cela permet de prendre acte de ce qui s’est passé tout en se réservant la possibilité de prendre une sanction ultérieure.    
Il est bon également d’utiliser une formule positive du type « Je sais que vous réussirez à remonter la pente » afin de ne pas être dans une logique de reproches, mais dans une logique qui permette au salarié de rebondir.
 
 
Santé du salarié
 
Les médecins délivrant des certificats médicaux tendancieux peuvent être sanctionnés
 
Marie Content attire l’attention sur des dispositions du Code de la santé publique selon lesquelles le médecin ne peut attester que de faits qu’il a personnellement constatés (CSP art. R 4127-16) et la délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat médical de complaisance est interdite (CSP art. R 4127-28). Ainsi tout certificat ou tout document signé par un médecin doit être le plus objectif et le plus honnête possible. Elle cite en référence une décision du 16 janvier 2014 de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins ayant sanctionné d’un avertissement un médecin du travail qui avait délivré un certificat médical faisant état d’une dégradation de l’état de santé d’un salarié en lien avec ses conditions de travail en présentant les dires de ce dernier comme des constatations, attestant ainsi de faits dont il n’avait pas été témoin.
 
Marie Content insiste sur le fait que tout médecin, lorsqu’il relate des faits invoqués par le salarié, doit employer le conditionnel ou indiquer qu’il ne fait que rapporter les propos du salarié (« mon patient m’a dit que… »).
Serait donc contestable tout certificat médical signé par un médecin traitant faisant état d’une dégradation de la santé d’un salarié (par exemple, insomnies, troubles du sommeil…) liée à la dégradation de ses conditions de travail, alors que le médecin n’a jamais mis les pieds dans l’entreprise et n’a donc pas pu personnellement constaté les faits. Et Marie Content de conseiller aux employeurs confrontés à des médecins traitants ayant tendance à multiplier ce genre de certificat, de déposer une plainte auprès de l’ordre des médecins. En cas de contentieux, l’employeur pourra en outre soutenir que le certificat litigieux est contraire aux dispositions du Code de la santé publique et n’a donc aucune force probante.   
 
La responsabilité du médecin du travail peut être engagée 
 
Pour la Cour de cassation, en cas de défaillances du médecin du travail dans ses missions, sa responsabilité peut être engagée vis-à-vis de l’employeur. Ainsi, les juges ont condamné un service de santé au travail interentreprises à verser à un employeur des dommages et intérêts, à hauteur du montant de sa cotisation annuelle, pour n’avoir pas procédé aux examens médicaux demandés et n’avoir pas respecté la périodicité des visites obligatoires (Cass. 1e civ. 19 décembre 2013 n° 12-25.056 : RJS 3/14  n° 233). Dans une autre affaire, un médecin du travail qui n'avait pas respecté le délai de deux semaines entre deux examens médicaux de constatation d'inaptitude a été condamné à verser à l’employeur des dommages et intérêts d’un montant équivalant à ce que ce dernier avait dû payer au salarié pour cause de licenciement illicite (Cass. soc. 31 mai 2012 n° 11-10.958 : RJS 8-9/12 n° 695).
 
Marie Content précise que la reconnaissance de la responsabilité du médecin du travail ne vaut que dans l’hypothèse d’un service de santé au travail interentreprises. Lorsque l’entreprise dispose d’un service de santé autonome, le médecin du travail est salarié de l’entreprise et sa responsabilité ne pourra être engagée qu’en cas de faute lourde de sa part (ce qui suppose l’intention de nuire à l’employeur). Il pourrait cependant faire l’objet d’une sanction disciplinaire.
 
 
Bases de données économiques et sociales (BDES)
 
Faut-il consulter le comité d’entreprise sur la mise en place de la BDES ?
 
Le 14 juin 2014, les entreprises d’au moins 300 salariés doivent avoir mis en place leur BDES. Selon Marie-Pierre Schramm, cette mise en place ne nécessite pas de consulter préalablement le comité d’entreprise, puisque cette question ne concerne ni l’organisation ni la marche générale de l’entreprise. Elle s’appuie d’ailleurs sur la circulaire DGT du 18 mars 2014 qui ne prévoit pas cette consultation, même si, reconnaît-elle, l’administration conseille aux employeurs de construire la base de données en lien étroit avec les instances représentatives du personnel et les organisations syndicales et juge même opportune la négociation d’un accord sur ce sujet. 
Mme Schramm conseille au final, en particulier lorsque le dialogue social est constructif dans l’entreprise, de parler des modalités de mise en place de la BDES avec les instances représentatives, mais juste à titre d’information, sans avoir besoin d’obtenir leur avis. La bonne méthode est de discuter en bonne intelligence avec les partenaires, mais sans aller jusqu’à la signature d’un accord. La simple information permet, en effet, de ne pas s’inscrire dans un calendrier contraignant de consultation.
 
 
Assurance chômage
 
Nouveaux différés d’indemnisation et ruptures conventionnelles
 
Le nouveau dispositif d’assurance chômage entre en vigueur le 1er juillet 2014. Il prévoit notamment un allongement du différé d’indemnisation (de 75 à 180 jours, sauf en cas de rupture du contrat pour motif économique) pour les salariés qui perçoivent des indemnités de rupture supérieures aux minima légaux (voir pour plus de précisions FRS 11/14 inf. 3 p. 5 ou FR 27/14 inf. 13 p. 16 et FRS 9/14 inf. 9 p. 17 ou FR 21/14 inf. 13 p. 21). Ainsi les cadres, mais également tous les salariés à forte ancienneté, se verront opposer 6 mois d’attente avant d’être indemnisés par Pôle emploi en cas de perception d’une indemnité conventionnelle de licenciement de 16 200 € supérieure à l’indemnité légale.
 
Dans le cadre d’une rupture conventionnelle, le montant de l’indemnité spécifique, pour sa part supérieure au montant de l’indemnité légale de licenciement, donnera également lieu à l’application du différé d’indemnisation. L’employeur doit-il informer le salarié de ce que sa prise en charge au titre du chômage risque d’être retardée de plusieurs mois ? Un salarié ignorant cet élément et se voyant opposer 6 mois de décalage pourra-t-il se prévaloir d’un vice du consentement, au motif qu’il n’avait pas été informé par son employeur ?
Cela ne peut pas être exclu, prévient Marie Content, pour les ruptures conventionnelles actuelles car le texte est récent. Afin de limiter les risques, elle Conseille que, au minimum, l’employeur invite le salarié, au cours de l’un des entretiens et, si possible par écrit, à se renseigner, avant de signer la convention, sur ses droits au chômage auprès des services publics de l’emploi, ce qui était déjà, en tout état de cause, préconisé.
 
Certes, l’employeur s’expose soit à ce que le salarié renonce à la rupture conventionnelle, soit à ce qu’il demande une indemnité supérieure pour compenser cette attente.  Car, insistent Marie Content et Marie-Pierre Schramm, c’est bien là l’écueil que présentent pour les entreprises ces nouvelles règles prévues par le règlement Unédic et, notamment, lorsque la rupture du contrat de travail donne lieu à une négociation (transaction, rupture conventionnelle) : les salariés risquent de demander aux employeurs de « prendre en charge » leur manque à gagner en matière d’indemnisation du chômage, ce qui pourrait faire échouer des départs conventionnels ou la négociation de transactions, car les employeurs ne voudront vraisemblablement pas se substituer au régime d’assurance chômage.

Par : © « Avis d’experts » Éditions Francis Lefebvre

 

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