L’assujettissement des non-résidents, du nouveau dans le domaine des prélèvements sociaux

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Cotisation sociale ou impôt ? La CJUE, dans un arrêt du 26 février 2015 (aff. C-623/13 Ministre de l'Économie et des Finances / Gérard de Ruyter), s’est définitivement prononcée sur la nature des prélèvements sociaux

Retour sur l’évolution législative et jurisprudentielle  
Instaurés en France dans les années 1990, ils avaient pour objet de permettre la diversification des sources de financement de la Sécurité Sociale. Y était alors assujettie toute personne physique domiciliée fiscalement en France soumise à régime français obligatoire d’assurance maladie. Pour ce qui était des revenus du patrimoine  ainsi que les produits de placement, seule une condition était nécessaire : le domicile fiscal en France.
 
Ainsi, une personne non-résidente pouvait être soumise à de tels prélèvements sociaux, faisant peser sur celle-ci le risque d’une double imposition, à savoir en France, mais également dans l’Etat de son domicile.
 
Les contribuables français se sont donc posés la question de la conformité de cette règlementation avec le Règlement européen de 1971 (Règlement (CEE) n° 1408/71 du conseil du 14 juin 1971), visant la coordination des législations nationales en matière de sécurité sociale et organisant les conflits des différentes lois des Etats membres dans ce domaine.
 
La question avait déjà été soulevée dans un arrêt du 15 février 2000 (aff. 169/98 et 34/98 plén., Commission c/ France). La CJCE avait alors retenu, en matière de revenus d’activité et de remplacement des travailleurs salariés, que la France n’était pas en droit d’imposer la CSG ainsi que la CRDS aux salariés domiciliés en France mais travaillant et assurés dans un autre Etat membre. Elle avait jugé en effet que ces prélèvements étaient contraires au principe de l’interdiction du cumul des législations applicables en matière de sécurité sociale (art. 13 Règlement n° 1408/71).
 
Suite à cette décision, l’ordonnance du 2 mai 2001 (n°2001-377 prise pour l'application du règlement (CEE) n° 1408/71) est venue remettre la législation française en conformité avec le droit de l’Union européenne, le prélèvement n’étant possible qu’à deux conditions cumulatives : le domicile fiscal en France et le régime obligatoire français d’assurance maladie.
 
La qualification des prélèvements sociaux en contribution sociale par la CJUE
L’arrêt du 26 février 2015 vient prolonger ce mouvement jurisprudentiel de restriction du champ d’application des prélèvements sociaux. En l’espèce, un contribuable domicilié en France et travaillant aux Pays-Bas était soumis à la Sécurité sociale néerlandaise. L’administration française lui réclame alors les prélèvements sociaux au titre de ses revenus patrimoniaux (rentes viagères conclues aux Pays-Bas).
 
Le contribuable, contestant ces réclamations, invoque le Règlement n°1408/71 et son principe de l’interdiction du cumul des législations en matière de sécurité sociale.
 
La CJUE, saisie d’une question préjudicielle, considère que « ces prélèvements sur le revenu du patrimoine […] présentent, lorsqu’ils participent au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale, un lien direct et pertinent » avec la législation de la sécurité sociale ce qui les conduit à entrer dans le champ d’application du Règlement européen.
 
Les prélèvements sociaux sont donc des cotisations sociales. Les personnes assujetties au système de sécurité sociale d’un autre Etat membre ne peuvent être tenues de ces cotisations pour leurs revenus du patrimoine.
 
Autre précision apportée par cet arrêt importante à retenir : l’exercice d’une activité professionnelle n’est pas nécessaire pour bénéficier de l’application du Règlement.
 
Les conséquences de l’arrêt du 26 février 2015 pour la France 
On attend aujourd’hui la décision du Conseil d’état, cependant, il semble d’ores et déjà évident qu’une remise en conformité de la législation française sera nécessaire.
 
La France avait fait l’objet en 2013 de l’ouverture par la Commission européenne d’une procédure d’infraction (Procédure EU Pilot 2013/4168) et ce, dans l’objectif de sanctionner cette double imposition pesant sur les non-résidents.  Cette décision du 26 février devrait sans nul doute conduire à sa condamnation.
 
Des réclamations vont être possibles pour les personnes ayant payé ces prélèvements sociaux indus. A ce titre, il est à rappeler que la prescription en droit fiscal est de trois ans, plus l’année en cours. Le recours ne pourra ainsi être ouvert que pour les cotisations payées à compter du 1er janvier 2012.
 
Reste donc à faire la balance entre les sommes en jeu et le coût d’une procédure judiciaire…
 

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