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Publié le - Mise à jour le
Depuis 2004, le report en avant des déficits fiscaux est illimité dans le temps.
Seul le mécanisme du plafonnement vient canaliser cette belle avancée. Les déficits antérieurs ne sont en effet imputables sur le bénéfice fiscal de l’exercice que dans la limite d'un montant de 1 M €, majoré de 50 % de la fraction du bénéfice excédant ce seuil.
Pourtant quelques précautions s’imposent pour éviter qu’une société :
1. Déficits et restructurations
Contrairement aux idées reçues, les déficits d’une société absorbée par voie de fusion ou transmission universelle de patrimoine (confusion de patrimoine visée à l’article 1844-5 du Code civil) ne sont pas automatiquement transmis à la société absorbante.
Le transfert des bénéfices (et, ce faisant, leur survie et leur utilisation future) n’est possible que sous réserve de l’obtention d’un agrément (article 209, II du Code général des impôts / CGI).
L'agrément est de droit. Cela signifie qu’une demande officielle doit impérativement être déposée, avant réalisation juridique de l’opération, auprès de l’administration fiscale mais que cette dernière ne peut pas refuser de donner son accord si l’ensemble des conditions prévues par la loi sont remplies.
L’agrément est délivré lorsque les quatre conditions suivantes sont satisfaites :
2. Déficits et changement d’activité
Toute société peut perdre le bénéfice du report de ses déficits fiscaux si elle change profondément d’activité (tel peut notamment être le cas de la société absorbante à la suite d’une fusion).
En autorisant une société à imputer ses déficits passés sur son bénéfice et - ce faisant - à réduire son résultat taxable, l’Etat reconnaît les efforts méritoire de l’entreprise pour poursuivre son activité malgré l’adversité et participe à son effort de redressement.
Mais si l’entreprise s’est contentée de conserver une « enveloppe juridique » dont elle a totalement réaménagé le contenu, la situation est différente.
Ainsi, l’Etat est prêt à aider une société de plomberie à maintenir son activité en diminuant son résultat taxable par le biais de l’imputation de ses déficits antérieurs. Mais si la société de plomberie est devenu boulangerie, licenciant ses anciens employées qui n’avaient plus les compétences requises, l’Etat n’a pas de raison de « subventionner » ce démarrage d’activité nouvelle, ou en tout cas pas par l’intermédiaire de déficits constitués dans la précédente activité.
La notion de changement d’activité a été précisée en 2012 (article 221-5 du CGI). Elle résulte notamment :
Cependant, ne sont pas considérées comme emportant cessation d'entreprise, à condition d’obtenir un agrément :
3. Déficits et abus de droit
Les déficits étant représentatifs d’une économie d’impôt sur les sociétés potentielle, il est tentant de chercher à les utiliser à tout prix, même quand l’activité ne s’y prête plus.
Cependant le Conseil d’Etat a récemment lancé une mise en garde à l’encontre de schémas un peu trop audacieux en suivant l’administration fiscale sur le terrain de l’abus de droit.
Dans un arrêt du 11 avril 2014 (n°352999, 9e et 10e s.-s., min. c/ SARL Garnier Choiseul Holding), la Haute Juridiction a en effet considéré que l’absorption par une société déficitaire n’ayant plus les moyens d’exercer son activité d’une société bénéficiaire qui avait elle-même cessé son activité en cours d’exercice avait pour unique but de permettre l’imputation des reports déficitaires de l’absorbante sur les bénéfices de l’absorbée sans avoir à demander d’agrément pour le transfert des déficits.
En l’absence de toute justification économique à l’opération, le Conseil d’Etat a considéré que ce montage était constitutif d’un abus de droit, ce qui entraîne l’application de pénalités de 80% en plus des redressements effectués.
A l’appui de sa décision, le Conseil d’Etat a en particulier noté que l’absorbante n’avait pu acquérir les titres de l’absorbée qu’avec le concours financier d’une autre filiale du groupe et que les domaines d’activité de l’absorbante et de l’absorbée étaient très différents.
Il est clair que, dans les conditions précitées, une demande d’agrément pour le transfert des déficits n’aurait eu, si la fusion avait été envisagée dans l’autre sens, aucune chance de prospérer.
La doctrine administrative actuelle sur les conditions d’agrément est sans appel à cet égard (BOI-SJ-AGR-20-30-10-10-20131007, n°130) :
« Sans que cette liste soit limitative, le bénéfice de l’agrément est susceptible d'être refusé en présence d'opérations qui revêtent les caractéristiques suivantes :
Conclusion
A titre pratique, il est nécessaire, en cas de restructuration mais aussi dans le cadre des travaux de clôture, de consulter systématiquement, dès le début du projet / des travaux, le cadre I du feuillet 2058 B relatif aux déficits reportables.
S’il en existe, il est impératif de se poser les questions suivantes :
L’absorbante / la société a des déficits en report.Y a-t’ il changement d’activité ?
L’absorbée a des déficits.Une demande d’agrément a-t’ elle été déposée ?
Dans le futur : les conditions de l’agrément (notamment maintien de l’activité) sont-elles respectées
Doctrine administrative (http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1-PGP.html)
Nathalie Valluis, Avocat, Cabinet Valluis
https://www.linkedin.com/pub/nathalie-valluis/15/a91/752