Prise en compte des préférences de durabilité par les conseillers financiers : à quoi s’attendre ? - Interview de Sabrine Aouida

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Interroger les épargnants sur leurs préférences de durabilité revient à ouvrir la boîte de Pandore

 Depuis le 2 août 2022, interroger les investisseurs non-professionnels sur leurs préférences en matière de durabilité est obligatoire pour les conseillers et distributeurs de produits financiers (conseillers en gestion de patrimoine, sociétés de gestion, banques, assureurs). Sabrine Aouida, Responsable de la recherche et de la règlementation ESG et co-fondatrice de WeeFin, déchiffre les enjeux de cette nouvelle réglementation au sein du secteur financier.

Que sont les préférences de durabilité au sens de la réglementation européenne MiFID II ?

MiFID II est une réglementation à tiroirs qui traite notamment de l’adéquation des produits proposés par les acteurs financiers à leurs clients. En avril 2021, la Commission européenne a amendé un règlement délégué de MiFID II de manière à ajouter des éléments extra-financiers aux critères financiers déjà pris en compte. Il s’agit désormais de demander aux clients, en complément de leur profil de risque et de leur horizon de placement, s’ils souhaitent intégrer à leur portefeuille un ou plusieurs instruments financiers durables. Le questionnaire utilisé pour recueillir les préférences et établir l’adéquation des produits à proposer repose sur trois systèmes de référence : l’alignement à la taxonomie européenne sur le point de vue environnemental, la proportion d’investissement durable au sens du règlement européen sur la publication d'informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR, en anglais), et la prise en compte des « principales incidences négatives » (émissions de gaz à effet de serre, violation des droits de l'homme, etc.).

Sur quels critères les conseillers financiers doivent-ils évaluer ces préférences ?

Lors de la réalisation des tests d’adéquation, les conseillers financiers doivent, a minima, interroger leurs clients sur les trois critères en matière de durabilité évoqués. L’évaluation se fait sur des critères qualitatifs, notamment concernant les principales incidences négatives, et quantitatifs, sous forme de fourchettes ou de pourcentages.

Quelles seraient les bonnes pratiques de la prise en compte des préférences de durabilité d'un investisseur ?

En premier lieu, il est impératif pour les conseillers et les distributeurs de faire preuve de pédagogie. En effet, poser des questions fermées en reprenant des notions techniques complexes sans définir et expliciter les termes employés n’aidera pas l’épargnant à se positionner sur ses préférences de durabilité. C’est d’autant plus le cas pour les tests d’adéquation en ligne : le conseiller devra ici veiller à apporter à l’épargnant toutes les informations nécessaires à la formulation de ses choix. Les professionnels peuvent également s’appuyer sur le guide de l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA, en Anglais) du 27 janvier 2022, ainsi que sur les recommandations émises par l’Association Française de la gestion financière (AFG). Il est ainsi conseillé de récolter les réponses des investisseurs sous forme de fourchettes qualitatives plutôt que de pourcentages trop restrictifs. D’autre part, si un client fournit des réponses neutres, l’institution financière pourra lui présenter des produits avec ou sans caractéristiques durables. Si, au contraire, aucun produit ne correspond aux préférences de l’investisseur, ce dernier pourra être amené à modifier ses réponses : il s’agit alors de tracer cette évolution par le biais d’un rapport d’adéquation. Par ailleurs, l’AFG a proposé d’ajouter une question préliminaire (« avez-vous des préférences spécifiques de durabilité ? ») qui pourrait dispenser le conseiller de poser à l’épargnant les trois questions obligatoires.

A quels défis les conseillers financiers risquent-t-ils d'être confrontés dans l'application de cette réglementation ? Quels peuvent être les impacts de cette nouvelle obligation sur le secteur bancaire et financier ?

Le principal défi à court terme concerne le calendrier réglementaire. Si le règlement délégué de MiFID II est entré récemment en application, certains lots de la taxonomie européenne et du règlement SFDR n’entreront quant à eux en vigueur qu’en 2023. Ce décalage de calendrier entraîne pour cette année des difficultés pratiques, les fonds ne communiquant pas encore sur leur alignement aux trois thématiques envisagées. A moyen terme, les réponses des investisseurs devront se traduire en une gamme concrète de produits. Ce modèle « à la carte » comporte toutefois un défi majeur : réussir à faire concorder les préférences avec les caractéristiques des fonds. Au-delà de l’importance de l’impact opérationnel pour les sociétés de gestion, interroger les épargnants sur leurs préférences de durabilité revient à ouvrir la boîte de Pandore, le processus de création des fonds étant désormais entre les mains des investisseurs.

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