Impacts du COVID-19 dans vos comptes semestriels IFRS 2020

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Impacts du COVID-19 dans vos comptes semestriels IFRS 2020
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Les comptes consolidés au 30.06.2020 constituent les premiers comptes post-COVID-19. Parmi les nombreux sujets que soulève cette crise, voici quelques points d’attention pour vous aider à préparer vos arrêtés.

 

Un processus de clôture semestriel inhabituel

Contexte de crise sanitaire. Dans un contexte caractérisé par une activité fortement perturbée et un niveau d’incertitude élevé, il est peu probable que vos comptes au 30.06.2020 s’inscrivent dans la continuité de ceux du 31.12.2019. Aux difficultés opérationnelles vont s’ajouter des questions comptables inhabituelles.

Par ailleurs, si vos comptes intermédiaires sont publiés en version « condensée », des informations plus conséquentes devront sans doute être fournies.

À noter. Il convient de souligner une mobilisation importante en France de l’Autorité des normes comptables – ANC (publication du 18.05.2020), de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes – CNCC (mise à jour des FAQ du 20.05.2020) et de l’Autorité des marchés financiers – AMF (communiqué du 20.05.2020) pour vous accompagner dans cette clôture ( voir A&C Gestion Finance 7/20 « Clôtures 2020 et épidémie de COVID-19 »).

 

De multiples interrogations pour l’évaluation de vos opérations comptables

Voici quelques-unes des questions les plus fréquentes :

1/ Devez-vous procéder systématiquement à des tests de dépréciation du fait de l’épidémie de COVID-19 ? L’événement COVID-19 ne constitue pas en soi un indice de perte de valeur. En revanche, ses conséquences vont probablement générer des indices de pertes spécifiques tels que la baisse significative du chiffre d’affaires, la dégradation dans le mode d’utilisation des actifs (fermetures d’usines, de magasins, restructurations), etc., vous conduisant à devoir réaliser des tests de dépréciation pour les actifs ou groupes d’actifs concernés.

 

2/ Quelle démarche en cas d’indice de perte de valeur identifié ? Vous n’aurez pas à construire de nouvelles prévisions de trésorerie dans tous les cas.

Il conviendra d’abord d’identifier le niveau de risque existant sur les unités génératrices de trésorerie (UGT) ou groupes d’UGT à tester, à partir des derniers calculs effectués, en considérant :

  • la marge existante entre valeur nette comptable et valeur recouvrable ; et
  • la sensibilité des hypothèses clés sur la valeur terminale.

Attention ! L’absence de détermination d’une nouvelle valeur d’utilité ne sera possible que si vous démontrez que le risque de perte de valeur est très peu probable.

 

3/ Comment prendre en compte les incertitudes pour déterminer la valeur d’utilité ? Les difficultés que vous pourriez avoir dans l’établissement de vos prévisionnels du fait de la crise ne dispensent en rien de la réalisation de tests de dépréciation.

Différentes solutions sont à considérer pour refléter les incertitudes :

  • l’utilisation de plusieurs scénarios pondérés de leur probabilité d’occurrence ;
  • l’utilisation d’un scénario unique, mis à jour des éléments connus et des impacts de la crise sur le long terme ;
  • la prise en compte des risques non intégrés dans les flux au moyen d’une hausse de la prime de risque du taux d’actualisation.

Exemple. Dans le cas d’une UGT dans le secteur du tourisme, il peut être opportun de prévoir deux scénarios, l’un avec un retour à une activité normale dès la saison 2022, l’autre avec une reprise plus lente, la somme probabilisée des deux jeux de prévisions constituant la valeur recouvrable.

 

4/ Quel traitement pour les aménagements de loyer consentis par vos bailleurs ? Vos bailleurs vous ont peut-être accordé des allègements de loyers, tels que des franchises totales ou partielles au cours de cette période. Il convient de rappeler que la comptabilisation de ces aménagements diffère selon qu’ils sont prévus ou non dans le contrat de location :

  • un aménagement non prévu est considéré comme une modification du contrat conduisant à devoir ajuster la dette en contrepartie du droit d’utilisation ;
  • un aménagement prévu (clause de type force majeure) est comptabilisé directement en résultat, comme un loyer négatif.

À noter. Afin d’éviter une revue fastidieuse de l’ensemble des contrats, l’IASB a publié, dans l’urgence de cette clôture, un amendement à IFRS 16, qui offre aux locataires l’option de considérer, sous conditions, les aménagements directement liés à l’épidémie de COVID-19 comme des loyers négatifs. À suivre, l’adoption par l’Union européenne pour une application au 30.06.2020.

 

5/ Comment comptabiliser les aides de l’État ? Vous avez bénéficié d’une ou plusieurs mesures de soutien gouvernementales. Leur comptabilisation qui n’est pas évidente devra faire l’objet d’analyses au cas par cas. Concernant le dispositif d’activité partielle en France, un consensus de place récent conduit à considérer l’allocation reçue comme une subvention d’exploitation à traiter selon IAS 20. Vous devrez donc l’enregistrer soit en autres produits, soit en déduction des charges de personnel, conformément au choix effectué antérieurement dans votre groupe.

À noter. Pour ce qui est des prêts garantis par l’État, plusieurs analyses semblent possibles et des débats sont en cours dont il conviendra de suivre les conclusions.

 

6/ Quelles incidences sur la comptabilisation de votre chiffre d’affaires ? Parmi les questions à suivre, citons notamment le cas de la dégradation significative du risque de crédit de vos clients qui pourrait conduire à limiter la reconnaissance du chiffre d’affaires au montant payé. Signalons également que seul le chiffre d’affaires quasi certain devant être comptabilisé, un ajustement de celui-ci peut être à constater dans vos comptes si vous avez modifié certains éléments variables de vos contrats comme les retours estimés, les remises accordées, etc.

Conseil. Divers autres éléments tels que les stocks, les instruments financiers, les impôts différés actifs, les provisions, etc., sont à analyser. Nous vous recommandons de vous référer aux communications de l’ANC, de la CNCC et de l’AMF pour identifier l’ensemble des sujets à considérer pour votre groupe.

 

La présentation des effets de la crise sanitaire sur votre performance

La communication des impacts de la crise est très attendue par le marché. Un soin tout particulier doit donc être porté aux modalités que vous retiendrez pour présenter cette information.

Peut-on isoler les effets COVID-19 au compte de résultat ? Dans la mesure où toutes les lignes du compte de résultat sont probablement affectées par les impacts de la crise, il n’apparaît pas approprié de les isoler sur une ligne spécifique, en résultat opérationnel non courant par exemple, ou de présenter un compte de résultat retraité de type « proforma », sans nuire au respect du principe de permanence. La rédaction d’une note annexe regroupant les effets de la crise, et à laquelle les autres notes de vos annexes pourront référer, est considérée comme la meilleure solution.

Conseil. Établissez votre compte de résultat selon les règles habituelles et identifiez ensuite pour chaque poste les impacts liés à l’épidémie de COVID-19 en distinguant les impacts bruts (coût des activités réduites ou arrêtées, coût des mesures barrières, etc.) et les effets des mesures de soutien, afin de présenter  en annexe ceux que vous jugerez pertinents.

 

Pouvez-vous modifier vos indicateurs alternatifs de performance ? Là encore, la permanence reste la règle, et la création d’indicateurs hors effets COVID-19 ne fait pas sens. Une communication des impacts de la crise sur vos indicateurs habituels sans changement dans leurs composantes est encouragée.

 

Comment opérer la distinction opérationnel courant/non courant ? Si vous avez fait le choix de présenter distinctement les éléments courants et non courants de votre résultat opérationnel, en lien avec la recommandation ANC 2020-01, vous pourrez continuer à le faire dans les mêmes conditions. En conséquence, les éléments que vous aviez considérés comme non courants par le passé, tels que certaines dépréciations d’actif, des coûts de restructuration ou certains litiges, pourront continuer à être présentés en non courant, même s’ils résultent du COVID-19.

 

Un besoin accru d’informations à fournir

Du fait de la crise, les jugements et estimations effectués au 30 juin seront en rupture avec vos derniers comptes annuels et une mise à jour importante de vos notes annexes sera probablement nécessaire. En outre, des informations généralement non incluses dans les comptes semestriels seront à considérer, p.ex. les hypothèses et jugements effectués, les impacts significatifs comptabilisés (aides gouverne men tales reçues, dépréciation d’actifs, restructurations, etc.), les risques financiers de crédit (renégociations de dettes, nouveaux financements, etc.) ou le risque de liquidité, etc. Et des commentaires sont attendus dans votre rapport semestriel d’activité sur les principaux risques et incertitudes pour le second semestre de l’exercice, p.ex. la mention de vos orientations stratégiques du fait des impacts de la pandémie, des précisions sur les mesures prises pour limiter les effets de la crise et les décisions opérationnelles en résultant.

Conseil. Organisez dès que possible la collecte des éléments liés à la crise au niveau de votre groupe pour préparer cette communication particulièrement attendue des investisseurs.

 

Dans les secteurs touchés par des baisses d’activité, des tensions au niveau de la trésorerie et du financement, avec des équipes en chômage partiel ou en télétravail, les sujets inhabituels, et parfois complexes de cette clôture, vont rendre l’exercice particulièrement délicat.

L’identification des priorités, la qualité de votre organisation et le pragmatisme seront plus que jamais indispensables pour faire face aux défis de cet arrêté semestriel inédit.

 

Auteur : Béatrice Bihl, Expert-comptable

 

La lettre Alertes & Conseils Gestion Finance éditée par les Editions FRANCIS LEFEBVRE.

 

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