Défendre le taux d’intérêt retenu dans les prêts intragroupe : l’apport de l’avis du 10 juillet 2019 du Conseil d’Etat

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Le Conseil d’Etat apporte un assouplissement bienvenu quant à la défense par une entreprise du taux d’intérêt retenu dans ses relations financières avec des sociétés liées.

Rappel du dispositif de l’article 212-I-a du CGI

La déductibilité des charges financières versées à des sociétés liées est encadrée, notamment, par les dispositions de l’article 212-I-a du Code général des impôts :

« .-Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée, directement ou indirectement, au sens du 12 de l'article 39, sont déductibles :

a) Dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 du même article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ; »

Lorsque le taux pratiqué est supérieur au taux de référence précité et que l'entreprise n'a pas apporté la preuve contraire de la normalité du taux servi aux entreprises liées, la fraction excédentaire des intérêts par rapport au taux de référence n’est pas déductible du bénéfice imposable de l'entreprise

Toute la question est donc de savoir quels éléments de preuve peuvent être apportés par l’entreprise pour convaincre l’administration fiscale de la normalité du taux servi aux entreprises liées.

Les précisions apportées par la doctrine administrative (BOI-IS-BASE-35-20-10- 20140415, § 100 et 110)

L’administration fiscale a commenté le dispositif et précisé dans sa doctrine que l'entreprise qui souhaite appliquer le mécanisme de preuve contraire doit être en mesure de « justifier que le taux servi au titre des avances accordées par une entreprise liée n'est pas excessif par rapport à celui qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ».

Elle précise un peu plus loin que « s'agissant d'un emprunt, la preuve sera considérée comme apportée si l'entreprise justifie, par exemple, d'une offre de prêt à la date à laquelle cet emprunt a été contracté »

En pratique, les entreprises sont confrontées à la difficulté d’obtenir une telle offre de prêt, alors que l’administration fiscale l’exige quasi systématiquement. Des contentieux sont donc apparus…

Les décisions jurisprudentielles récentes sur les moyens de preuve

Les décisions rendues en la matière ces deux dernières années n’ont été guère favorables aux contribuables.

Si le TA de Montreuil avait estimé, dans une affaire Société BSA (TA de Montreuil, 30 mars 2017, n° 1506904) que l’Administration ne peut exiger de manière systématique de l’emprunteuse la production d’une offre de prêt contemporaine aux opérations et que la production de différentes études, y compris réalisées a posteriori, suffisait à établir la pertinence du taux appliqué, cette position restait isolée.

Le TA de Paris, dans trois affaires récentes (7 juillet 2017, n°1607683 Sté WB Ambassador - 16 janvier 2018, n°1707553/1-2, SAS Studialis et 7 juin 2018, n°1613999/2-3 Sté Paule Ka Holding), avait pris une position beaucoup plus restrictive, rejetant toutes les bases de comparaison présentées par les entreprises et précisant que le contribuable ne « saurait soutenir qu’une preuve impossible lui est demandée ».

La Cour d’appel administrative de Paris (31 décembre 2018, n°17PA03018, SAS WB Ambassador) avait apporté un premier assouplissement en admettant que la preuve du caractère normal du taux intragroupe pratiqué pouvait être reconstitué a posteriori mais avait dans le même arrêt rejeté le caractère probant des études produites par la société au motif que les comparables retenus étaient des taux pratiqués sur les marchés obligataires. Or, le texte du CGI vise les « le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues », et non celui que l’entreprise aurait pu obtenir un marché obligataire…

L’apport de l’avis du Conseil d’Etat du 10 juillet 2019

Saisi pour avis par le TA de Versailles, le Conseil d’Etat adopte une position plus favorable aux contribuables que la CAA de Paris.

Après avoir rappelé que l'entreprise emprunteuse pouvait apporter la preuve de la normalité du taux d’un prêt intragroupe par tout moyen, le Conseil d’Etat précise que « pour évaluer ce taux, elle peut le cas échéant tenir compte du rendement d'emprunts obligataires émanant d'entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables, lorsque ces emprunts constituent, dans l'hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt intragroupe »

Les entreprises salueront cette précision bienvenue car, même s’il reste à définir ce qui doit être entendu par « une alternative réaliste », les études de comparables vont potentiellement pouvoir se fonder sur les taux des marchés obligataires, beaucoup plus aisés à collecter que ceux d’offres de prêts bancaires !

 

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