Déductibilité des charges financières : l’état des lieux

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Par un BOFiP publié le 31.07.2019 pour consultation publique jusqu’au 30 septembre dernier, l’administration apporte certaines réponses aux nombreuses questions soulevées par le nouveau mécanisme de déductibilité des charges financières mis en oeuvre par la loi de finances pour 2019.

Principes généraux du dispositif

La loi de finances pour 2019 est venue transposer l’article 4 de la Directive ATAD 1 (2016/1164 du 12.07.2016) en instaurant, pour les exercices ouverts à compter du 01.01.2019, de nouvelles règles de déductibilité des charges financières des entreprises.

Périmètre des charges financières nettes.

Comme pour le « rabot », la notion de charges financières nettes a été reprise dans ce nouveaumécanisme, mais avec un champ d’application plus large que dans le précédent dispositif. Le périmètre des charges et produits à prendre en compte pour déterminer les charges financières nettes comprend les sommes versées (par nature déductibles) et reçues (par nature imposables) au titre de la rémuné ration de sommes laissées ou mises à la disposition de l’entreprise.

L’administration a assez largement détaillé dans le  BOFiP la liste des charges et produits à prendre en compte telle que prévue par l’article 212 bis du CGI (BOI-IS-BASE-35-40-10-10 nos 60 à 300). Les charges sont bien sûr composées en premier lieu des intérêts relatifs à des dettes ou emprunts (ou, pour leur fraction financière, à des loyers de crédit – bail ou de location avec option d’achat – LOA) mais elles englobent notamment aussi les « autres coûts équivalents à des intérêts ». À titre d’exemple, les intérêts constatés sur des swaps de taux ou de devises sont désormais à prendre en compte, alors que les pénalités pour paiement tardif ou pour remboursement anticipé d’un emprunt ou d’un contrat de crédit-bail ne le sont pas.

Plafond de déduction. Une fois les charges financières nettes déterminées, leur déduction est désormais plafonnée à hauteur du montant le plus élevé entre 3 M€ et 30 % de l’EBITDA fiscal de l’entreprise (si elle n’appartient pas à une intégration fiscale) ou du groupe fiscal.

À noter. L’EBITDA fiscal est différent de l’EBITDA comptable. Il correspond au résultat fiscal de l’entreprise, intègre des éléments exceptionnels et est déterminé avant imputation des déficits et des charges financières nettes et après retraitement des dotations aux amortissements et provisions et des résultats qui ne sont pas taxés au taux plein de l’IS, y compris ceux relevant du nouvel article 238 du CGI concernant les revenus de certains actifs incorporels (BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 60).

Entreprise sous-capitalisée. Si l’entreprise est sous-capitalisée, ces plafonds sont respectivement ramenés à 1 M€ et 10 % pour la proportion des charges financières nettes se rapportant à des dettes entre entreprises liées. Schématiquement dans cette situation, deux plafonds distincts ont donc vocation à s’appliquer, celui de 3 M€ (ou 30 % de l’EBITDA fiscal) pour les charges financières relatives à la dette externe et celui de 1 M€ (ou 10 % de l’EBITDA fiscal) pour les dettes intragroupe.

À noter. Dans le nouveau dispositif, une entreprise (ou un groupe fiscal, selon le cas) est présumée souscapitalisée si le montant moyen des sommes laissées ou mises à sa disposition au cours d’un exercice par l’ensemble des entreprises qui lui sont directement ou indirectement liées excède 1,5 fois ses fonds propres.

Certaines des anciennes règles de limitation de la déductibilité des charges financières ont été supprimées (« rabot », anciennes règles de lutte contre la sous-capitalisation et « amendements Carrez ») alors que d’autres subsistent et coexistent avec le nouveau dispositif. Il en va ainsi de la limitation des taux d’intérêt servis aux associés (CGI art. 39, 1-3) et aux entreprises liées (CGI art. 212, I-a), et du mécanisme anti-hybride (CGI art. 212, I-b), ces dispositifs s’appliquant avant celui du plafonnement. Le dispositif de réintégration des charges financières, dit « amendement

Charasse » (CGI art. 223 B), visant certaines situations spécifiques dans le cadre d’une intégration fiscale est lui aussi maintenu et s’applique après plafon nement (BOI-IS-GPE-20-20-110 n° 260).

À noter. Lorsque l’entreprise n’est que partiellement soumise à l’IS (du fait d’une exonération ou de son activité sans but lucratif), le nouveau régime n’est applicable qu’au secteur taxable ou lucratif selon le cas (BOI-IS-BASE-35-40-10-10 n° 10). Il existe, par ailleurs, des règles spécifiques dans le cadre de certains contrats relatifs à des projets d’infrastructures publiques à long terme (BOI-IS-BASE-35-40-30).

Règles de report. Enfin le nouveau mécanisme intègre des règles de report :

  • sans limite de temps pour les charges financières non admises en déduction (en cas de souscapitalisation, seul le tiers des charges financières relevant du plafond de 1 M€ ou 10 % est reportable) ;
  • sur cinq ans et à la condition que l’entreprise (ou le groupe fiscal, selon le cas) ne soit pas considérée comme sous-capitalisée, pour la capacité de déduction inemployée, c’est-à-dire lorsque le plafond de potentielle déduction des charges financières nettes auxquelles s’ajoute le montant des charges financières nettes en report imputé autitre de l’exercice, n’a pas été atteint.

Les clauses de sauvegarde

Une première clause de sauvegarde est liée au ratio d’endettement qui compare les dettes par rapport aux fonds propres. Elle permet de combattre la présomption de sous-capitalisation énoncée plus haut lorsque ce ratio, déterminé au niveau du groupe consolidé, est supérieur à celui calculé au niveau de l’entreprise (ou du groupe fiscal, selon le cas).

Une seconde clause de sauvegarde est liée au ratio d’autonomie financière qui compare les fonds propres par rapport aux actifs. Elle est optionnelle mais applicable uniquement en l’absence de sous-capitalisation de l’entreprise, y compris si celle-ci bénéficie de la clause de sauvegarde du ratio d’endettement. Cette clause permet à l’entreprise (ou au groupe fiscal, selon le cas) de déduire 75 % des charges financières nettes non admises en déduction en raison des plafonds précités (3 M€ ou 30 % de l’EBITDA fiscal).

À noter. Pour le calcul de ces ratios, l’entreprise pourra, à son choix, retenir les données d’ouverture ou de clôture de l’exercice mais elle devra le faire en cohérence au niveau du groupe consolidé et de l’entreprise, ou du groupe fiscal, selon le cas (BOI-ISBASE-35-40-10-20 n° 220 et BOI-IS-BASE-35-40-20 n° 320).

Comptes consolidés et référentiel admis

L’administration a précisé la notion de périmètre de groupe consolidé en indiquant qu’il s’entendait de l’ensemble des entreprises françaises et étrangères dont les comptes sont consolidés par intégration globale au sens :

  • des normes comptables françaises (C. com. art. L 233-18) ;
  • des normes IFRS (C. com. art. L 233-24) ;
  • des US GAAP, des normes des États Membres de l’Union européenne lorsque les comptes sont validés par un CAC, et sous la même condition, des référentiels chinois (ASBE), de Corée du sud (K-IFRS), des GAAP canadiens et des normes Japonaises, tous considérés comme équivalents aux IFRS par la Commission européenne (BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 200 et s.).

Le BOFiP précise également quels principes appliquer lorsque plusieurs référentiels sont utilisés au sein d’un groupe consolidé.

La publication des comptes consolidés n’est pas requise (BOI précité n° 130).

De fait, sont exclues du périmètre les entreprises consolidées par intégration proportionnelle ou par mise en équivalence.

Difficulté supplémentaires en présence d’une intégration fiscale

Dans ce cas de figure, il sera nécessaire d’établir un palier de consolidation aux bornes de l’intégration fiscale qui ne sera pas directement extrapolable à partir des agrégats sociaux ou consolidés. Cet exerciceest cependant nécessaire pour déterminer si le groupe est ou non sous-capitalisé et s’il peut, le cas échéant, bénéficier de la première et/ou de la seconde clause de sauvegarde mentionnées ci-dessus.

La détermination d’un tel palier imposera des retraitements et des analyses supplémentaires tels que, par exemple, le rétablissement des opérations intragroupe entre sociétés intégrées et sociétés consolidées (hors du périmètre du groupe fiscal) qui avaient été éliminées pour les besoins de l’établissement des comptes consolidés ou encore la nécessité de valoriser, selon le critère et le référentiel retenu pour établir les comptes consolidés, les participations détenues par une société membre du groupe fiscal dans les sociétés ne faisant pas partie du périmètre d’intégration.

L’administration a, sur ce dernier point, précisé que la valorisation devait être effectuée conformément aux règles appliquées pour valoriser les titres de sociétés non consolidées (BOI-IS-GPE-20-20-110 n° 90). Il sera alors nécessaire, si le référentiel IFRS est utilisé par exemple, de déterminer la juste valeur de ces titres.

Toutes les questions que soulève la mise en place pratique de ce nouveau mécanisme ne sont pas clarifiées mais l’administration apportera peut-être des précisions supplémentaires lors de la publication du BOFiP définitif. Quoiqu’il en soit, les commentaires publiés en juillet sont d’ores et déjà opposables à l’administration.

 

Rédigé par M. Franck FABRO, Avocat, Harmony

Extrait de la lettre mensuelle Alertes & Conseils Gestion Finance, n° 10/2019 de novembre 2019, éditée par les Editions Francis Lefebvre

 

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