DAC 6 : déclaration des intermédiaires et/ou des contribuables concernés

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DAC 6 : déclaration des intermédiaires et/ou des contribuables concernés
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Ce mécanisme déclaratif portant sur certaines opérations transfrontières constitue une pièce supplémentaire de l’échange automatique d’informations entre États membres visant à lutter contre la fraude et l’évasion fiscale. Sa mise en œuvre pratique laisse cependant présager une grande complexité.

 

Quelles opérations sont concernées ?

Une ordonnance du 21.10.2019 (ord. 2019-1068, JO du 22.10 ; CGI art. 1649 AD à 1649 AH) est venue transposer en droit interne les dispositions d’une directive européenne du 25.05.2018 (2018/822), dite « DAC 6 ». Légèrement amendées par la loi de finances pour 2020, ces nouvelles dispositions instaurent un mécanisme de déclaration pour certaines opérations comportant des indices de planification fiscale agressive.

Dès le 01.07.2020, date d’application prévue par l’ordonnance, les « dispositifs transfrontières » répondant à certains critères (« marqueurs ») devront faire l’objet d’une déclaration.

Un dispositif transfrontière est défini par l’ordonnance de manière très large. Le texte vise en effet : « un accord, un montage ou un plan ayant ou non caractère exécutoire » concernant la France et un autre État, qu’il soit membre ou non de l’Union Européenne (UE).

Remarque. Dès lors que l’ordonnance ne vise que les dispositifs transfrontières, les schémas purement internes sont donc exclus du dispositif en France, mais ce n’est pas nécessairement le cas dans d’autres pays de l’UE.

Les marqueurs listés par l’ordonnance sont au nombre de 15 et sont identiques à ceux prévus par la directive. Il suffit qu’un dispositif transfrontière entre dans le champ d’un des marqueurs pour déclencher la déclaration obligatoire. La matérialisation de certains marqueurs est subordonnée à l’existence d’un avantage principal fiscal.

Selon l’ordonnance (en cela également fidèle à la directive), l’avantage principal est fiscal lorsqu’il peut être établi que « l’avantage principal ou l’un des avantages principaux qu’une personne peut raisonnablement s’attendre à retirer du dispositif, compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents, est un avantage fiscal ».

D’autres marqueurs ne requièrent pas l’exigence d’un avantage principal fiscal. C’est notamment le cas des marqueurs relatifs aux prix de transfert. Nous avions déjà alerté sur le risque que certaines opérations ne présentant pas de caractère fiscalement agressif tombent néanmoins dans le champ de cette nouvelle réglementation et doivent ainsi être déclarées. P.ex. les transferts d’actifs incorporels difficiles à évaluer ou les transferts opérationnels s’accompagnant d’une baisse

consécutive et significative de l’EBIT chez le cédant constituent des opérations à déclarer dès lors que les transferts sont transfrontières. Pour plus de détails, nous vous invitons à vous reporter à l’article précité (voir A&C Gestion Finance 8/18 « Directive sur les intermédiaires : êtes-vous concerné ? »).

Quels impôts sont visés ?

En principe il s’agit des impôts directs, à l’exclusion de la TVA, des droits de douane, des droits d’accise et des cotisations sociales. Ces points devraient être confirmés par le BOFiP.  

Remarque. La transcription dans les droits internes des pays de l’UE ne s’est pas faite de manière uniforme. Certains pays ont adopté un champ plus large que celui de la directive incluant la TVA et les droits d’accise (p.ex. la Pologne).

 

Qui doit déclarer ?

Deux catégories de personnes sont visées par l’ordonnance, l’intermédiaire et le contribuable concerné.

L’intermédiaire est en principe celui qui doit déclarer s’il a un lien avec l’UE (résidence, établissement stable, soumission à un droit, enregistrement auprès d’un ordre, notamment). La notion d’intermédiaire recouvre :

  • le promoteur, celui qui conçoit, commercialise ou organise un dispositif, le met à disposition ou en gère la mise en oeuvre ;
  • le sachant, c’est-à-dire celui qui, « compte tenu des faits et circonstances pertinents et sur la base des informations disponibles (...) sait ou pourrait raisonnablement être censé savoir qu’il s’est engagé à fournir directement ou indirectement, des services en rapport avec un dispositif à déclarer ».

En cas de pluralité d’intermédiaires, tous doivent en principe déclarer, mais ceux qui pourront établir par tout moyen que le dispositif a déjà fait l’objet d’une déclaration par un autre intermédiaire pourront s’en dispenser.

À noter. Une priorité territoriale est prévue afin d’éviter qu’un même intermédiaire ne soit tenu de déposer une même déclaration dans plusieurs États membres.

Le contribuable concerné. En l’absence d’intermédiaire (ou tout au moins en l’absence d’intermédiaire dans l’UE), il revient au contribuable concerné de déclarer. Si plusieurs contribuables sont concernés, des règles de priorité sont prévues afin d’éviter que tous ne soient tenus de déclarer une même opération ou que plusieurs déclarations ne doivent être déposées dans plusieurs États membres.

Remarque. Au sein d’un groupe, il est possible de rencontrer des situations dans lesquelles une société (p.ex. la société mère) jouerait un rôle « d’intermédiaire » en conseillant ou pilotant la mise en place d’un dispositif transfrontière au bénéfice de certaines filiales qui, quant à elles, seraient alors des « contribuables concernés » au sens de DAC 6.

En présence d’intermédiaires soumis au secret professionnel (notamment les avocats, mais plus généralement tous ceux qui sont soumis au secret professionnel dont la violation est réprimée par l’article 226-13 du Code pénal), l’intermédiaire soumis au secret professionnel doit demander au contribuable concerné l’autorisation de déclarer. Si cette autorisation est donnée, il doit déclarer. À défaut, il doit notifier à tout autre intermédiaire l’obligation déclarative qui lui incombe. En l’absence d’un autre intermédiaire, il notifie son obligation de déclarer au contribuable concerné et doit lui transmettre les informations nécessaires au respect de son obligation déclarative. Cette notification doit être faite par un moyen lui donnant date certaine car elle fait courir le délai de déclaration.

 

Remarque. Cette solution permet au contribuable concerné de conserver la maîtrise de l’obligation déclarative. Lorsqu’il s’adresse exclusivement à des intermédiaires soumis au secret professionnel, il décide qui va souscrire la déclaration et conserve la possibilité de déclarer lui-même.

 

Quand déclarer ?

Une période transitoire qui a débuté le 25.06.2018 (date d’entrée en vigueur de la directive) s’achèvera le 30.06.2020. Les opérations dont la première étape de mise en oeuvre est intervenue durant ce laps de temps devront être déclarées au plus tard le 31.08.2020 par les intermédiaires ou par les contribuables concernés.

La période d’application définitive débute le 01.07.2020. À compter de cette date, la déclaration doit être effectuée dans les 30 jours de la première des dates suivantes :

Événement déclencheur Date
Mise à disposition d’un dispositif J+1
Dispositif prêt à être mis en œuvre J+1
Première étape de mise en œuvre J
Aide, assistance ou conseil fourni par un sachant J+1
Cas de la notification à un contribuable concerné Réception de la notification


Exemple. Un « dispositif » dont l’un des évènements déclencheurs interviendrait le 01.07.2020 devrait être déclaré le 01.08.2020 alors même qu’un dispositif dont la première étape de mise en œuvre est intervenue durant la période transitoire pourrait être déclaré jusqu’au 31.08.2020 au plus tard.

À noter. À partir du 01.07.2020 et compte tenu de la formulation retenue pour les évènements déclencheurs, un dispositif qui, en pratique, ne serait jamais mis en œuvre devrait néanmoins faire l’objet d’une déclaration.

 

L’ordonnance prévoit, en outre, que les contribuables concernés devront déclarer annuellement l’utilisation faite du dispositif. Les intermédiaires devront, dans certains cas, effectuer une déclaration trimestrielle. L’échange automatique d’informations entre les États membres débutera quant à lui le 31.10. 2020.

Forme et contenu de la déclaration. La déclaration sera dématérialisée et son contenu sera précisé par décret. Outre l’identité des intermédiaires et contribuables concernés, elle devrait contenir des informations notamment sur les marqueurs concernés, le dispositif, la date de réalisation, les dispositions législatives sur lesquelles il s’appuie, sa valeur, les États membres concernés, ...

 

Quelles sanctions ?

Le défaut de déclaration d’un dispositif est sanctionné par une amende maximale de 10 000 €, ramenée toutefois à 5 000 € pour la première infraction au titre d’une année civile et des trois précédentes. Le montant des amendes infligées à un même intermédiaire ou contribuable concerné ne peut excéder 100 000 € par année civile (CGI art. 1729 C ter).

Remarque. Dans certaines juridictions d’autres États de l’UE, les amendes prévues sont beaucoup plus fortes (p.ex. en Pologne).

Il n’est, en revanche, prévu aucune sanction en cas de défaut de déclaration annuelle par le contribuable concerné.

 

Pour les groupes de dimension internationale, ces nouvelles obligations déclaratives nécessitent de mettre en place un process interne d’identification des opérations potentiellement concernées et de suivi des obligations déclaratives. Face à de telles opérations, les métiers du conseil (avocats, experts-comptables, banquiers, ...) devront s’assurer de s’acquitter des obligations qui leur incombent en leur qualité d’intermédiaire qu’ils soient suivant le cas, « promoteurs » ou « sachants ».

 

Article rédigé par rédigé par Franck FABRO, Associé, Harmony Avocats

Extrait de la lettre mensuelle Alertes & Conseils Gestion-Finance, n°02/2020 de février 2020, éditée par les Editions Francis Lefebvre

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